Tu as commencé à travailler autour de dix-neuf heures après une journée bien chargée entre les cours et le stage. Rien de bien différent à tous les autres jours de ta vie depuis les derniers mois. Tu es très occupé, même fatigué puisque tu ne dors que quelques heures par nuit. Néanmoins, tu commences à t'habituer à ce rythme de vie plutôt effréné. Malgré les obstacles et les difficultés, tu t'en sors plutôt bien et tu te rapproches peu à peu de ton but. Tu comptes bientôt terminer tes études et mettre un pied dans le marché du travail, le vrai. Les petits boulots et les soirées infinies à travailler au bar seront loin derrière toi. Toutefois, quand tu y réfléchis un peu plus, tu te demandes si tu ne vas pas garder ton boulot au bar. Il faut avouer que c'est plutôt payant, mais aussi ça te permet de faire des rencontres. Aussi surprenant que celui puisse être, c'est au travail que tu as le plus de vie sociale. Bien sûr, tu as des amis à l'école, mais tu n'as pas vraiment de temps à leur accorder en-dehors des cours. Évidemment ta vie n'est pas complètement régulée et tu as un peu de temps libre – que tu passes souvent à regarder la télévision, lire et dormir. Certains pourraient croire que tu étais plus heureux chez tes parents mais, au contraire, tu n'as jamais été aussi libre et heureux de ton existence. Ton bonheur n'est bien sûr pas parfait, mais en réalité, il n'y a qu'une seule chose manquante pour le compléter : la présence de tes frères. Ils doivent sûrement te haïr en ce moment. Tu t'en veux d'être parti sans rien dire, mais tu comptes bien te rattraper quand tu auras le temps, mais surtout l'argent. Ce que tu souhaites le plus au monde, c'est retrouver tes frères et leur permettre de s'émanciper face à vos parents, mais d'une meilleure façon que tu ne l'as fait. Tu veux pouvoir les prendre en charge pour qu'ils ne doivent plus rien à vos parents sauf la vie de façon à ce qu'ils n'aient plus à subir leur pression. Oui tu veux les sortir de là.

La soirée est assez avancée quand tu l'aperçois. Bien qu'elle soit un peu plus âgée que toi, tu n'as jamais l'impression que c'est le cas quand vous échangez. C'est peut-être parce que tu t'es toujours senti trop vieux pour ton âge. Être l'aîné de la famille n'a pas entraîné que son lot de bonheur, évidemment, surtout dans un modèle familial comme le tien. L'horreur en vrai. Toute cette pression t'a fait prendre au moins une dizaine d'année de plus quand tu avais huit ans pour devenir un grand. Bien que vous n'avez jamais la chance de vous croisez ailleurs qu'ici, dans ce bar où tu travailles, ce bar pas si populaire en fait – comme tu es en cavales, tu essaies de te terrer comme il faut bien chez toi. Ce n'est pas faute d'essayer, puisque vous avez échangé vos numéros, mais il faut bien s'avouer vaincu : vos horaires ont vraiment beaucoup de mal à concorder.

Normalement, tu attends un peu plus tard pour prendre ton break, question de vraiment couper ton quart de travail en deux, mais puisqu'elle est là et que ça fait un petit moment que vous n'avez pas réussi à vous croiser, tu indiques à ton patron que tu vas prendre ta demi-heure maintenant et être bientôt de retour. Évidemment, s'il le faut, tu viendras donner un coup de pouce à l'équipe, on ne sait jamais quand la soirée peut devenir un peu plus animées. Tu remplis deux chopes de bière – qui seront déduites de ton salaire – et tu slalomes entre les tables pour te rendre jusqu'à la jeune femme, un petit sourire aux coin des lèvres, à peine apparent pour quelqu'un qui ne regarderait pas bien.

« In Hwa-ssi, » l'interpelles-tu de ta voix suave et grave.

Tu lèves les deux bières, comme pour l'inviter à venir s'asseoir et prendre un verre. Bon normalement, une invitation n'est pas aussi forcée, mais tu te doutes bien qu'elle acceptera, pour le peu de fois que vous pouvez passer ensemble. En fait, c'est facile de se confier à In Hwa, elle semble comprendre un peu ta situation quand tu lui parles, même si tu n'entres pas trop dans les détails pour des raisons d'anonymat. Au fond, il y a une table réservée aux employés quand ils prennent leur pause. Honnêtement, à quel autre endroit qu'un bar permettrait-on aux employés de boire? Évidemment, tu es mieux de limiter ta consommation, parce que si tu veux contrôler les fous en état d'ébriété il faut bien que tu aies encore toute ta tête. Tu poses les deux verres sur table en mélamine aux faux airs de marbre et tu lui tires une chaise, gentleman.

« Ça fait longtemps, tu vas bien? J'ai pris ma pause, » tu lui adresses un léger sourire. De base, tu n'es pas particulièrement souriant, du genre ténébreux mélancolique.

Wearing :

La jeune femme hocha la tête en écoutant le jeune adolescent devant lui énoncer son petit spitch dans un anglais bien meilleur que lors des premiers cours. In Hwa notait de temps en temps les points de grammaire et de formulation trop approximatifs qu'il faudrait revoir mais en soit, elle était satisfaite de son élève. Elle aurait préféré faire cours devant une classe, approfondir les points peut être même parler de littérature anglaise et américaine, étudier des textes. Ne pouvant vraiment faire cours devant une classe, elle se contentait d'enseigner l'anglais à ce trainee, dans l'espoir qu'il puisse communiquer avec ses fans internationales. Ce n'était pas la carrière dont elle avait rêve, mais au moins le salaire n'était pas négligeable.

Ils finirent le cours là-dessus, et ils se saluèrent avant qu'elle ne sorte de cette usine à star. Travailler dans les compagnies d'artistes restaient toujours aussi bizarre. In Hwa regarda l'heure à sa montre, la soirée était bien entamée, là encore parce qu'elle devait se calquer aux lourds emplois du temps des idoles et futurs artistes. Malgré l'heure, elle décida qu'elle ne voulait pas rentrer. L'air était encore doux en ce début d'automne, et elle avait envie de se détendre.

Elle prit la direction de son bar préféré. Elle aimait y boire un verre bien frais, elle aimait l'ambiance qui y régnait et avec un peu de chance son ami serait de service ce soir-là. Elle passa la porte, et immédiatement l'ambiance de l'endroit la fit sourire. Elle se chercha une petite table dans un coin tranquille, mais fût interceptée par Hoon Min qui avait été plus rapide.

« - In Hwa-ssi, Elle releva les yeux et aperçu son ami.
- Hey! » Le salua-t-elle en souriant.

Il leva les deux verres qu'il avait amené, et la jeune femme comprit immédiatement l'invitation. Elle le suivit jusqu'à une table bien tranquille. In Hwa était ravie de le retrouver. Cela faisait un moment qu'ils n'avaient pas pu se voir. Elle avait été assez occupée avec la reprise du second semestre, et la fois où elle avait pu venir, Hoon Min ne travaillait pas. Elle s'assit donc à l'invitation du jeune homme contente de cette petite attention.

« Ça fait longtemps, tu vas bien? J'ai pris ma pause, Elle l'écouta en prenant son verre à deux mains et le ramena vers elle.
- Tu ne vas pas avoir de problème à la prendre maintenant ? Demanda-t-elle soucieuse. Rassurée par la réponse de Hoon Min elle se détendit. Oui ça va j'ai été un peu occupée alors j'ai pas eu le temps de venir te voir, je suis désolée. Et toi ça va ? »

Elle écouta le jeune homme lui répondre, toujours soucieuse si pour lui tout allait bien. Sa situation était compliquée et elle avait toujours quelques inquiétudes à son sujet. Le retrouver dans ce bar était devenu une habitude, il était comme un point d'encrage auquel elle revenait pour changer d'air, et elle tenait vraiment au bien-être du jeune homme. Leur différence d'âge ne changeait rien à leur amitié.

« - Ah tiens dans les nouvelles de la reprise, ma sœur va revenir quelques temps en Corée. » Dit-elle avec un certain détachement.

Mais Hoon Min savait bien que les rapports des deux sœurs étaient tendus. C'était étrange leur amitié. A chaque fois qu'ils se retrouvaient, c'était comme s'ils s'étaient quitté la veille et reprenaient là où ils s'étaient arrêtés. Tous les deux se comprenaient, et s'acceptaient, et avec le passé qu'elle avait, c'était beaucoup pour elle.

Tu souris en secouant la tête.  En vrai, tu es un peu un chouchou dans l'équipe parce que ta belle gueule ramène les filles – sauf pour les quelques jaloux de ton succès – et de ce fait les ventes sont plutôt bonnes.  Puis, si tu prends ta pause plus tôt, ça arrange tout le monde parce que comme ça ils ont plus de choix par après dans les meilleurs temps de pause.  Pour toi, ce n'est pas important le moment.  L'important c'est d'être en bonne compagnie si tu peux.  Surtout que tu n'as pas vu In Hwa depuis des lustres on dirait bien.  Tu hausses les épaules quand elle s'excuse de ne pas être venue te voir : ce n'est pas grave, tu n'es pas allé la voir non plus.  On dirait que le destin veut que vous ne vous rencontriez qu'ici dans ce bar sur tes heures de travail.

« Ça va comme ça peut aller, je suis toujours autant débordé, mais je suis heureux.  Je me sens enfin vivre un peu, même si les autres croiraient que non. »

Depuis que tu as quitté la maison, tu es nettement soulagé.  C'est vrai que tu te sens beaucoup plus vivant.  Tu n'as plus peur de l'influence de tes parents qui ne savent toujours pas où tu es.  La seule tache à ton bonheur, c'est l'absence de ton petit frère et ça, tu penses que In Hwa peut très bien te comprendre à ce sujet.  Ce qui vous éloigne de votre propre fratrie ne sont pas les mêmes raisons pour l'un et l'autre, mais les conséquences sont assez similaires à ton avis.  Et tu te dis que tu es peut-être une des rares personnes qui puisse comprendre sa situation.

Tu es heureux d'apprendre qu'In Ae rentre en Corée, même si ce n'est que pour un temps et que rien ne garanti un rapprochement entre les deux sœurs.  Pour ta part, tu n'as pas l'occasion de croiser tes frère, tu ne peux pas te le permettre et du coup tu l'envies un peu.  Même si elle risque de ne pas pouvoir en profiter comme elle le souhaiterait.  Tu avais bien compris qu'autrefois les deux sœurs étaient plutôt proches.  Ça devait lui manquer comme à toi ça te manquait de chouchouter et protéger Hoonbyeol.  Même ce petit coq de Hoonjin.

« Elle revient pour combien de temps?  Quelques semaines?  Ça fait un bon moment qu'elle n'est pas revenue non? » demandes-tu.  Tu es assez intéressé par l'évolution de leur relation et tu espères sincèrement qu'elle s'améliorera.  C'Est un peu ridicule, mais en fait c'est un peu comme un exutoire pour toi de te comparer à d'autres et d'éprouver leur bonheur.  Même si ce n'est pas le tien, ce bonheur d'emprunt te suffit à aller mieux et continuer ton chemin.  Évidemment, ce n'est peut-être pas avec grande joie qu'In Hwa t'annonce le retour de sa sœur, mais tu espères bien qu'un jour ce le sera parce que ce malentendu serait réglé.

« Tu crois que ça va bien se passer?  J'espère que vous pourrez vous réconcilier bientôt, vous avez de la chance d'être encore en contact. »

Tu secoues la tête et porte ton verre à tes lèvres.  Tu penses à Hoonbyeol. Comment va-t-il?  On dirait que ce n'est pas si mal, mais ce que les magazines, blogs et site web peuvent t'apprendre ne te disent pas grand-chose sur l'état émotionnel de ton petit frère.  Tu t'inquiètes plus pour lui que pour Hoonjin.  Jin est plus fort et plus indépendant.  Il doit très bien se débrouiller, tu n'en doutes même pas.

« Ça fait combien de temps déjà qu'elle est au Japon? »  Il y a des détails que ton amie t'a déjà dits, mais c'est difficile pour toi de te souvenir de tout aussi.  Puis si tu lui poses des questions, c'est que tu crois qu'elle a besoin de parler un peu de tout ça.

Tu te demandes comment des relations familiales peuvent devenir aussi compliquées. Normalement, l'amour entre frères et sœurs devrait être inconditionnel. Toutefois, tu as bien expérimenté que la vie peut jouer de sales tours. Tu retiens de longs soupirs parce que tu sais bien depuis le temps que ça ne sert à rien de trop soupirer. De toute façon, la chance vous sourira sûrement bientôt, tu n'en doutes pas. Enfin si un peu. C'est déjà un grand pas qu'elle puisse voir In Ae. À sa place, tu serais fou de joie, si tu pouvais voir un peu Hoonbyeol et Hoonjin, même s'ils ne feraient que te discréditer, te regarder de haut et te lancer des paroles pleines de haine. Ça voudrait dire qu'ils reconnaissent tout de même ton existence. En réalité, tu ne sais pas du tout comment ils ont pris ton départ, mais tu te doutes bien que ça ne doit pas avoir été à ton avantage. Que de pincements au cœur te saisissent quand tu penses à combien tu as mal calculé ton coup. Si seulement tu avais moins fait l'imbécile. Heureusement, à vingt ans, on vous permet toujours d'utiliser l'excuse de la jeunesse et tu avais de bonnes raisons de t'enfuir loin, même si tu as causé des torts ce faisant.

« Toujours pas de nouvelles, je n'ose pas m'approcher des membres de la famille et j'ai coupé les liens avec toutes mes anciennes connaissances. »

Tu hausses les épaules. Le silence est difficile, mais tu apprends tranquillement à t'y faire, peu à peu, même si tu n'y arriveras jamais complètement. C'est une chose de tout laisser tomber, c'en est une autre que d'apprendre à vivre avec ses choix. Heureusement, les journaux et les fans cafés te permettent de prendre un peu de nouvelles d'Hoonbyeol. C'est bien lui qui t'inquiètes le plus, Hoonjin a toujours été plus indépendant.

« Sérieusement? » La nouvelle te remplit d'une espèce de joie un moment, mais celle-ci te quitte rapidement. Qu'est-ce que ça peut bien faire? Elle ne peut pas passer de messages pour toi, tu ne veux pas attirer de problèmes à Hoonbyeol en lui laissant savoir que tu es encore ici. C'est déjà une chance qu'on ne t'aie pas trouver alors que tu n'as même pas quitté Séoul. Tu aurais dû le faire, mais tu ne pouvais pas te résoudre à partir plus loin, alors que tu avais tout de même sérieusement envisager quitter pour les États-Unis. « Si tu le vois, tu peux me dire s'il semble bien aller? S'il a l'air heureux? Ce sera toujours mieux que les nouvelles des journaux et revues à potin. » Tu souris amèrement. « Ne lui parle pas de moi hein, c'est mieux pour tout le monde. »

Tu aimerais tellement être rappelé à l'existence de hoonbyeol, savoir s'il pense un peu à toi. Même si c'est parce qu'il est en colère.

« Ça serait bien de toujours rester enfants oui, » laisses-tu tomber avec un sourire rêveur. C'est vrai que rien ne t'apparaissait si compliqué quand tu étais enfant. Oui vieillir, ça n'a rien de plaisant. Même l'âge légale pour boire de l'alcool que tu attendais avec impatience quand tu étais adolescent, tu réalises que ça ne change aucunement ta vie en mieux. Enfin, ce n'est pas si pire, quand on y pense bien.

« Cheers! »

Tu souris et prends une gorgée. Rien de mieux qu'une bonne bière pour remettre sur le bon chemin une humeur égarée dans la mélancolie. Comme ça ne fait pas longtemps que tu as verser le liquide dans les chopes, tu essuies la mousse qui est restée accrochée aux coins de tes lèvres quand tu reposes le verre.

« Si jamais tu obtiens le contrat, il faudra célébrer ensemble. N'oublie surtout pas de me laisser le message pour qu'on célèbre ensemble. Sinon, on prendra un verre pour noyer la tristesse! » Tu plaisantes bien sûr, mais il faut bien admettre que ton boulot t'as donné quelque petite tendance alcoolique, à boire pour un tout et pour un rien. « Les cours, ça va bien? Tu n'as jamais pensé à enseigner le coréen à l'étranger? Ah non, mauvaise idée, si tu quittes le pays avec qui je vais pouvoir prendre ma pause? Je retire ce que je viens de dire! » Tu rigoles. Ce n'est pas si drôle, mais tu ne veux pas perdre la bonne humeur et l'optimisme. Il faut mener une vie de joie et ne rien regretter même si c'est difficile.

« Il faudrait vraiment qu'on trouve un autre moment et un autre endroit pour se rencontrer. Si j'étais plus souvent à la maison, je t'inviterais pour dîner, mais je n'ai jamais le temps de cuisiner et même si mes ramens ont la réputation d'être excellents, je me sentirais un peu minable de n'avoir rien d'autre à t'offrir. Triste destin que le nôtre. »

Tu es extrêmement gêné quand elle te propose d'aller chez elle.  En réalité, tu crois bien n'être jamais allé chez une fois.  Bien que tu ne considères pas particulièrement In Hwa comme une femme – enfin bien sûr, c'en est une cela va de soi, mais disons pas une avec laquelle une romance pourrait se développer, plutôt dans ce sens là – l'idée de te retrouver chez une femme te rend mal à l'aise en quelque sorte.  Peut-être es-tu un peu vieux jeu, très probablement en réalité.  Pourtant, tu n'es pas particulièrement embarrassé à l'idée d'inviter une femme chez toi, allez chercher la logique dans tout ça, d'autant que tu devrais particulièrement faire attention à qui tu invites à la maison : après tout ce n'est pas comme si tu mènes la vie de l'homme moyen, bien tranquille.  Tu es toujours en cavalcade.  Bon, heureusement, à ton âge c'est normal qu'un homme veuille quitter la maison et vivre sa vie de lui-même.  En même temps, l'idée est tentante.  En réalité, en dehors des quelques réguliers du bar, tu n'entretiens pas vraiment de relations avec les autres, surtout depuis que ton colocataire est retourné à Busan.  C'est triste à dire mais la plupart de tes interactions sociales sont professionnelles : soit au travail, soit à l'école, soit en stage.  Tu ne prends pas le temps de t'attacher aux autres.  Tu sais combien la séparation est douloureuse.  Néanmoins, dans ta vie d'ermite, tu te sens très seul.  Oui, tu es libre, mais à quel prix?  En toute honnêteté, quand tu es parti, tu étais défiant, tu ne craignais pas la solitude, celle-ci a toutefois eu raison de toi et de tout ton entrain.  Tu regrettes toujours plus d'être parti comme ça et de ne pas avoir eu le courage de confronter tes parents.  Tu le réalises maintenant, c'était ce que tu aurais dû faire à la place de fuir comme un lâche.  Tes frères te manquent.

« C'est vrai qu'on ne s'est jamais vu en-dehors de ce bar.  À croire, peut-être ne pourrais-je même pas te reconnaître dans la lumière du jour, » plaisantes-tu.  Après tout, on ne s'habille pas de la même façon dans la vie de tous les jours.  Tu bois un peu et jette un coup d'oeil à ta montre.  Loin de toi l'envie d'avoir l'air impoli, mais après tout, ta pause ne peut s'étirer indéfiniment.  Il te reste encore amplement de temps pour discuter et c'est plutôt calme.

Tu sursautes quand tu sens la main d'In Hwa sur ta cuisse et la regarde d'un air très surpris.  Tu ne crois pas qu'elle n'ait d'idées étranges, mais il reste que tu n'arrives pas à t'expliquer pourquoi elle s'en prend à tes poches – c'est bien ce qu'il te semble.  Bien sûr, tout s'explique rapidement et tu repousses la main de ton ami en retenant un rire.

« Du calme mademoiselle, on touche avec les yeux, pas les mains!  Mon téléphone est dans l'autre poche, » dis-tu avec un sourire amusé.  Comme tes pantalons sont d'un genre un peu serré, tu te lèves à demi pour récupérer l'appareil avant de l'agiter à côté de ton visage.  Avec ton petit crayon tu ouvres le téléphone et le déverrouille : tu ne peux pas laisser n'importe qui avoir accès au contenu de ton portable, ça pourrait te compromettre.  Tu as fait un choix, il faut t'y tenir.

« Bon, voyons voir…  Je remplace Hwan Myung ce mercredi, je pourrai me faire remplacer par lui pour une soirée assez facilement.  La semaine prochaine, je ne travaille pas dans ma boîte de stage, ils ont une baisse de contrats et n'ont pas besoin des stagiaires.  Ne me dis pas que tu passes la semaine à Jeju-do, autrement je serai dans l'obligation de croire que le destin nous confine à ce bar. »

Tu lui montres ton planning de la semaine suivante, beaucoup plus vide qu'à l'habitude.  Ça fera du bien à tes cernes puisque ton rythme de vie actuel te permet à peine de dormir une nuit complète par semaine.  Un sourire étire tes lèvres.

« Alors, que dit l'emploi du temps du professeur Seo?  Il faut en profiter avant que sa charge de cours privés ne s'alourdisse!  On en profitera pour fêter la bonne nouvelle! »

Tu n'oublies pas qu'elle court la chance d'avoir une bonne somme de contrats.  Tu déplores que son talent d'enseignante soit réduit à l'être seulement pour des cours privés, alors que tu l'imagines très bien devant une classe.  Peut-être qu'un jour elle pourra faire son chemin dans une école.  Il ne faut pas désespérer, peut importe si la situation paraît complètement sans issue.  Un tour du destin peut inverser une situation.  Tu crois en la justice du destin.  En même temps, tu n'as pas vraiment d'autres choix, sinon tes espoirs de bonheur sont très réduits et tu espères bien un jour pouvoir renouer avec ta famille, quand tu seras bien établi dans la vie.  En vérité, tu espères pouvoir fonder ta propre famille et malgré tes différends avec tes parents, tu ne veux pas les priver de leur rôle de grand-parent.